vendredi 19 février 2010

13h TU. Baie de Fort de France




Homme libre, toujours tu chériras la mer... Aujourd’hui, je débarque. Je quitte définitivement le bateau de commerce "Marfret Marajo" après un mois d'une résidence artistique hors du commun. J’étais venu chercher une matière un peu particulière à bord ce porte-boîtes de 170 mètres de long hors tout (170,06 mètres pour être précis) autour de l'objet conteneur, de sa symbolique et, plus généralement, de la question du lien.

Les conteneurs tissent des liens entre les continents. Le conteneur est symbole du marché, symbole d’un travail oublié, jamais pourtant interrompu, qu'est celui du transport maritime. Des liens qui subsistent, des liens qui se créent. Des liens se nouent aussi entre la compagnie, ses bateaux et les agences maritimes; entre les marins et leur famille ou leurs proches.
La question des liens commerciaux, représentés par les conteneurs, est assez impalpable à bord. Elle devient nettement plus traçable au travers des transactions, des manutentions souvent rapides mais toujours tangibles, grâce à la réalité matérielle des boîtes quels que soient leur format et leur couleur.

Entre le navire et la compagnie, le lien est visible via la coordination entre les équipes à terre (les agences) et la mer. Les agences peuvent demander au bateau d’être présent à telle heure, ici ou là, d'occuper tel quai pour y décharger telle chose et embarquer telle autre. Les échanges traitent aussi parfois de simples constats de dégâts (damages reports) occasionnés, par des manutentions malhabiles, sur la cargaison elle-même ou sur le navire !

Les liens entre les marins et leur famille ou leurs proches ont été les plus difficiles à appréhender. Je fais même, dans ce domaine, le constat d’un demi-échec. Sauf à noter qu’Internet et les systèmes de messagerie avec caméra (tchat) sont très utilisés au cours des escales. Mais je n’ai pas pu pénétrer la sphère privée de mes hôtes. Ont-ils dans leur cabine des objets ou rituels symboliques d'un lien, compensateurs de l'absence : photos de famille, objets fétiches, sacralisés ? Je l'ignore.
Ma difficulté à établir le contact avec les marins s'explique en partie par leur rythme de travail et les plages de repos qui en découlent. Il n'y a pas de temps collectif, après le travail chacun retourne dans sa cabine pour se reposer ou pour prendre un moment de détente privatif.

Voilà ! Trente-et-un jours de vie maritime au rythme du commerce, c'est déjà, en soi, une expérience extraordinaire. J’ai fait près de 1 600 photos dont une partie doit être exploitable, une trentaine de croquis et des encres préparatoires pour des toiles. J'ai écrit des textes, pris des notes, rédigé des documents... Bref, je dispose de suffisamment de matière pour accoucher, j’espère, d'autre chose qu'une souris !

Je serai bientôt de retour dans le froid breton puis je retournerai à Marseille, début mars, pour y retrouver le "Marajo".
Je voudrais d’ores et déjà remercier la compagnie Marfret pour toute la logistique de projet, pour l’accueil et le voyage, remercier le commandant et tout l’équipage du Marfret Marajo pour leur accueil à bord.

Merci aussi à tous ceux qui ont permis la réalisation de ce projet et à ceux qui ont contribué, un mois durant, à faire vivre ce blog. Merci à ma sœur qui a assuré le "secrétariat d’édition".

J’espère vous retrouver très bientôt pour vous présenter le fruit de cette expérience, à Marseille ou ailleurs..

A bientôt.

4 commentaires:

  1. Dommage que l'aventure s'arrête! C'était assez passionnant de te suivre...

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  2. Cher Erick,

    Moi aussi je pense que c'est dommage que l'aventure s'arrête ...
    je te lisais depuis plus de deux semaines et à chaque fois je t'écrivais un commentaire ... où sont ils passés (ces commentaires) c'est la question que je me pose; dans tous les cas mon ignorance concernant les blogs est la cause pour laquelle tu n'as jamais reçu mes courriers.
    Alors je vais te faire un petit resumé de ce que je te disais :

    Te lire était un vrai plaisir, tu écris très bien et j'ai appris énormement des choses. Ta pensée pour moi dans la belle ville de Cartagena m'ait allée droit au coeur. Merci pour cette belle dédicace. J'espère pouvoir un jour te faire visiter mon pays que j'aime tant.

    Tu ne cesseras jamais de me surprendre; toujours plein d'idées, toujours des talents à découvrir. Je pense que la compagnie Marfret ne pourra être que satisfaite de t'avoir chisi pour cette belle expérience.

    Tes textes étaient ne seulement très instructifs mais aussi très sincères et des fois je t'ai trouvé très courageux car; tout le monde n'a pas le courage de dire si haut ce qu'il pense si bas.

    J'ai hâte de voir tes travaux et je te souhaite un bon retours en terre ferme !!!

    Je t'embrasse,

    Amparo

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  3. c'est aussi avec peu d'amertume que je lis ton dernier récit de voyage ... c'était extra de t'avoir chaque jour comme voyageur écrivain conteur ...
    c'était presuqe devenu un rituel ds l'ouverture des sites chaque matin sur mon ordi ... bon retour .. ns rentrons aussi à rennes ce lundi .. j'espère alors que ns aurons le temps de savourer tes peintures & photos et de papoter .. grosses bises de nous 3 nat ricco marius

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  4. françois derminon6 mars 2010 à 21:22

    La disparition du temps collectif à bord est quelque chose que je trouve terrible, mais qui est bien représentatif de notre vie moderne. J'ai navigué il y a 25 ans de cela maintenant sur des pétroliers ou des porte-conteneurs, plus petit il est vrai. Le travail était dur physiquement, mais quand il était fini, nous pouvions passer du temps entre nous pour discuter, boire un verre (les bateaux n'était pas "secs" comme maintenant) ou jouer aux cartes. Je me souviens de parties qui duraient 2 ou 3 heures. Et d'embarquement que j'aurais voulu continuer sans fin tellement l'ambiance était bonne. Mais nous n'étions pas préssurés par l'outil informatique qui nous oblige à remplir des tonnes de papier pour détailler tout ce que nous avons fait, consommé, dépensé, gagné, etc. les papiers étaient réduits au minimum. Et il y avait du personnel en nombre suffisant pour pouvoir nous détendre, ne pas nous sentir toujours débordés et avoir peur de ne pas pouvoir faire face par excès de fatigue ou manque de temps. Nous avions du temps !!! Parfois trop et nous nous ennuyions, mais quel confort par rapport à maitenant. Et puis les communications avec la terre étaient très limitées, le cout des communications radios était prohibitif (50 Francs la minute). Nous n'avions que le courrier, j'ai gardé des lettres toujours très émouvantes. Bref, nous étions à bord et nous pensions en marins embarqués "seuls et loin de la maison". ET puis, l'équipage était entièrement français. Cela participait à cette ambiance de marins. Avec un équipage multiculturel, nous avons l'impression d'être des cow boys partis à la conquête de l'Ouest entourés par les indiens. La communauté maritime n'existe plus, il me semble. Sans parler de la barrière de la langue qui limite les échanges.
    Enfin, Erick, Bravo pour cette expérience et pour ton blog qui m'a fait voyagé à nouveau. J'attends tes productions avec impatience.
    François

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