mercredi 17 février 2010

Nuit colombienne




Courte escale à Carthagène où j’ai profité d’une belle fin d’après-midi et dîné en ville pour rompre avec les menus ukrainiens du bord. Carthagène est une vaste ville dotée d'un grand port. La différence entre ses équipements et ceux de ses voisines vénézueliennes est saisissante. En témoigne la durée de l’escale. Ici, je pense forcément à une amie Colombienne installée depuis longtemps en France... Je lui dédis ce petit texte.

A Carthagène, côté conteneurs, j’ai fait pas mal de photos de nuit, perspectives et profondeur des cales, et j’ai essayé de rendre compte du chargement. Nous avons deux jours et demi de traversée avant l'ultime escale, à Fort de France. Ensuite le Marfret Marajo fera route vers l’Europe. Aujourd’hui, juste face à nous, un alizé souffle assez fort et ralentit notre progression le long des côtes colombiennes.

A demain.


Le port a des airs de sortie d’usine
Couleurs, conteneurs, extérieurs nuit
Calor, les dockers, sur leurs mines
Perles de sueur, traces de suie.

Contrôle, portique, fouille et laisser-passer
Embarqué par le flot, presque englouti
Par ce serpent humain, seul dans la nuée
D’hommes, de femmes, aux yeux écarquillés.

Fin d’une journée de travail, début pour certains
La ville pour moi scintille comme un paquebot
Une foule métisse s’agite un peu plus loin
Taxi jaune estampillé, fenêtre baissée, amigo ! Amigo !

Sur le trottoir belle mulâtre aux cheveux jais
Jambes de déesse, corps de princesse, chute de reins
Et tout en haut d’un dos nu, fines épaules d’un trait
Tendu et vif, finit de vous troubler, tout à dessein.

Cireurs de chaussures, marchands du temple
Sur la place de l’église Santo Domingo
Chaux vives des façades, épaisses et amples
Tradition colorée d’ocre, architecture hispano.

Carthagène, nom mythique, cité d’histoire
Aux avant-postes militaires d’îlots fortifiés
Ces fortins au large nous ravivent la mémoire
D’un pas si lointain passé, trop vite oublié.

Où conquérants aux ordres et à la grâce de Dieu
Ont brisé des âmes comme de simples roseaux
Au nom des reines et rois, mais non des gueux,
Pour, sans vergogne, leur voler quelques joyaux.

Des émeraudes et puis leurs terres et y défaire
À ces sales et incultes sauvages Amérindiens
Leurs rites et leur culture, au nom du Père
Et les laisser à leur misère, cynique destin.

Carte à jouer, à jouer et à perdre son âme
Attrape-touriste à chaque lieu saint
Palabre à l’ombre des feuilles de palmes
Et fausse douceur du rythme colombien.

Ici, tout semble glisser sans bruit
Flic, franchement armé au coin de la rue
Au point que pour quelques instants, on oublie
Qu’à quelques pas d’ici, les armes tuent.

Carthagène, réveille-toi de ta nuit colombienne !

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